Un jeudi apr?s midi, Place de Mai ? Buenos Aires, nous sommes en avril 1977. Des femmes coiff?es d'un foulard blanc se rassemblent en silence : pendant 1/2 heure, elles vont defiler en cercle sur la Place. Elles sont 14 et dans leurs mains la photo d'un proche (mari, fils, fr?re ...) disparus et qu'elles recherchent.

Depuis 1974, 600 personnes ont myst?rieusement disparus, partant au travail le matin ou faire les courses et ne sont jamais rentr?s ? la maison. Le 24 mars 1976, la Republique constitutionelle est renvers?e par un coup d'Etat militaire. Les forces arm?es prennent le pouvoir avec un mot d'ordre : ?tablir un processus de r?organisation national. Une page noire de l'histoire d'Argentine s'ouvre alors, une dictature de plus : la plus terrible.
Les libert?s individuelles sont supprim?es. Les militants syndicaux, les membres d'associations, les intellectuels, les ?tudiants, tout ces gens et leurs familles sont a present consider?s comme des ?l?ments subversifs dont les militaires ne veulent surtout pas entendre la voix. Pour les faire taire, l'arm?e Argentine met au point avec l'aide technique d'officiers Fran?ais et d'instructeurs Am?ricains la pratique de la disparition syst?matique des personnes. Le nombre de disparus augmentent, ce ne sont plus seulement des hommes qui sont enlev?s mais ?galement des femmes et leurs enfants. Ils sont 30.000 en tout.
L'effectif des "folles" de la Place de Mai (comme les nomment les militaires), augmentent aussi. De 14, elles passent ? 250 puis 20.000. Elles sont originaires du milieu populaire ou de la petite bourgeoisie et veulent attirer l'attention de l'opinion nationale et internationale. Bien sur, on ne les laisse pas faire, elles subissent elles aussi des intimidations, des violences, parfois l'une d'elles ne revient pas le jeudi suivant ...
Pour que les Argentins d?couvrent la v?rit? et qu'elles aient la chance de retrouver leurs proches , elles s'organisent en associations : " Las madres de la Plaza de Mayo" (les m?res de la Place de Mai), ?ditent clandestinement un tract d'information et continuent leurs manifestations tous les jeudis avec les photos. L'une d'elles raconte : " Ils pouvaient venir les militaires, on n'avait plus peur : ils nous avaient dej? fait tant de mal".
Ellles acqui?rent une reconnaissance internationale, elles deviennent ainsi plus proteg?es par rapport aux militaires mais cela ne leur rend pas leurs proches alors elles continuent : du tract ,elles passent ? un petit journal.
D'autres associations se joignent a elles : HIJOS, les enfants des disparus et Las Abuelas, les grands m?res.

Entre 1977 et 1983, environ 500 enfants disparaissent. Les plus grands ?taient separ?s de leurs familles, quant aux nouveaux n?s (dont la m?re ?tait tu?e ? l'accouchement ), les bourreaux se les appropriaient. Ils n'etaient pas adopt?s, cet acte laissant des traces, mais consider?s comme leurs enfants naturels.
En 1983, la dictature est renvers?e et le pays redevient une d?mocratie. Les principaux dirigeants sont arret?s pour ?tre jug?s mais les militaires se r?voltent et le pouvoir c?dant ? la pression vote des lois d'amnistie en 1986 et 1987.
Aujourd'hui, les m?res, grands m?res et enfants de disparus defilent toujours les jeudis pour r?clamer justice. Ils sont rejoints par des associations de quartiers et de droits de l'homme qui r?clament des mesures sociales pour aider les plus defavoris?s si nombreux dans ce pays.

Depuis 5 ans, la "Marche de la R?sistance" est organis?e pendant 24 heures sur la Place en parall?le avec la journ?e mondiale des Droits de l'Homme. C'est l? que nous avons rencontr? l'une des "abuelas". Aujourd'hui, 80 petits enfants ont ?t? identifi?s. Les grands m?res recherchent les autres pour leur rendre leurs identit?s, racines et histoires. C'est un travail difficile, elles ne disposent que de peu de renseignements et pour les petits enfants aujourd'hui adultes, ce n'est pas facile ? entendre : toute leur vie fondee sur le mensonge. Elles subissent encore parfois des actes d'intimidations par les anciens responsables ou les faux parents.

Asociaci?n Madres de Plaza de Mayo
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